Blog 35 : Les pièges fiscaux de la transmission d’entreprise interne (MBO) — ce que vous devez savoir à ce sujet

La vente de l’entre­prise au management en place (MBO) est une forme populaire de succession d’entre­prise qui présente de nombreux avantages pour toutes les parties concernées — mais aussi des écueils sur le plan fiscal. Dans cet article de blog, nous vous indiquons les éléments à prendre en compte pour éviter de tomber dans des pièges fiscaux et d’avoir de mauvaises surprises.

La trans­mission de l’entre­prise à un ou plusieurs colla­bo­ra­teurs (MBO — Management Buy Out) est une forme populaire de succession d’entre­prise. Ce n’est pas étonnant, car elle offre une garantie de conti­nuité aux colla­bo­ra­teurs, aux clients et aux autres parties prenantes. De plus, il existe généra­lement une relation de confiance entre la génération qui transmet et celle qui suit. C’est une raison importante pour laquelle ce type de succession d’entre­prise est souvent préféré par les proprié­taires à une vente externe. 

Environ 20% des succes­sions d’entre­prises réussies se font sous la forme d’un MBO.[1]. Lorsqu’ils trans­mettent leur entre­prise à leurs colla­bo­ra­teurs, les proprié­taires ne cherchent souvent pas à maximiser les prix, mais à préserver les emplois à long terme et à péren­niser l’œuvre qu’ils ont construite au fil des ans. C’est la raison pour laquelle la remise moyenne sur les trans­ferts intra-entre­prise est d’un peu plus de 25% du prix de vente ordinaire. Mais attention, ces réduc­tions de prix bien inten­ti­onnées peuvent avoir des consé­quences fiscales non souhaitées. 

Financement MBO

Le financement du prix d’achat lors d’un MBO est souvent un point délicat. Les banques financent généra­lement 40% à 60% du prix d’achat. Souvent, les succes­seurs sont de jeunes colla­bo­ra­teurs qui ne disposent pas de fonds propres suffi­sants pour financer le déficit et qui ne peuvent pas non plus se procurer ces fonds dans le cercle familial. Si les fonds propres et le financement bancaire ne suffisent pas à régler l’inté­gralité du prix d’achat, les vendeurs ont deux variantes pour permettre la vente de l’entre­prise malgré tout. 

  • Soit ils accordent ce que l’on appelle un prêt vendeur (prêt du vendeur qui n’est remboursable qu’ul­té­ri­eu­rement, après le rembour­sement du prêt bancaire).
  • Ou bien les proprié­taires aident les succes­seurs en accordant une réduction de prix et en vendant l’entre­prise à un prix inférieur à celui du marché. Cette remise est examinée d’un point de vue fiscal dans la section suivante.

Piège fiscal en cas de prix d’achat réduit

Si des parts de l’entre­prise sont achetées par des employés, l’admi­ni­stration fiscale y regarde de près. Les autorités fiscales vérifient que les parts de l’entre­prise ont été vendues au moins à leur valeur vénale. Si ce n’est pas le cas et que l’entre­prise a été vendue à un prix préfé­rentiel, les autorités fiscales évaluent l’avantage en nature qui en résulte (parti­ci­pation qualifiée des salariés), lequel doit être imposé par les succes­seurs en tant que revenu d’une activité salariée. En outre, les cotisa­tions de sécurité sociale qui en découlent sont dues par l’entreprise.

Qu’est-ce que cela signifie dans un cas concret ? Considérons l’exemple suivant : 

Exemple
Le cadre de longue date X et la proprié­taire de l’entre­prise Y convi­ennent que Monsieur X peut reprendre l’entre­prise pour un prix d’achat de 500 000 CHF et continuer à l’exploiter, bien que la substance et la capacité de rendement de l’entre­prise justi­fient une évaluation supérieure. Les autorités fiscales peuvent désormais vérifier si la transaction a été effectuée à la valeur vénale.

La valeur vénale d’un point de vue fiscal est un prix de tiers, c’est-à-dire un prix qui peut être déduit d’une transaction déter­mi­nante (plus de 10% des parts) avec une tierce partie (ou également un cours de bourse). En l’absence d’une telle valeur, il est possible de se baser sur une valeur de formule en accord préalable avec les autorités fiscales (ruling fiscal). Les transac­tions à la valeur de la formule approuvée n’entraînent pas non plus de consé­quences fiscales. En revanche, les transac­tions inféri­eures à la valeur de la formule peuvent constituer un revenu imposable. 

Une réduction de prix sur la valeur de l’entre­prise peut avoir des consé­quences fiscales considé­rables. En s’y prenant à l’avance avec des experts, on peut éviter les mauvaises surprises.

Marc Maurer, responsable de la succession d’entre­prise ZKB

Toutefois, si aucune formule n’est déter­minée et qu’il n’existe donc pas de valeur de formule, il faut partir du principe que l’admi­ni­stration fiscale compé­tente procède à une compa­raison avec la valeur de l’impôt sur la fortune de l’entre­prise au moment de l’acqui­sition. Si la valeur fiscale est supérieure au prix d’acqui­sition, la diffé­rence peut être imposée. 

Si l’admi­ni­stration fiscale évalue l’entre­prise à une valeur de 1 million de CHF, par exemple, sur la base de vos propres calculs, Monsieur X doit prendre en compte la diffé­rence entre la valeur fiscale et le prix de vente de 500 000 CHF comme revenu d’une activité dépen­dante. Dans notre exemple, le revenu imposable de Monsieur X augmente donc de 500’000 CHF au cours de l’année de la transaction. Monsieur X doit payer cette charge fiscale sur sa fortune privée. Ceci est parti­cu­liè­rement problé­ma­tique car, bien que le patri­moine de Monsieur X ait augmenté suite au transfert de l’entre­prise, ce patri­moine n’est pas liquide. Il se peut donc que la facture fiscale doive être réglée par l’obtention d’un autre financement.

Si nous supposons que le revenu de M. X était initia­lement de 100 000 CHF, les consé­quences fiscales pour M. X sont celles indiquées dans le tableau. Il est important de noter que les chiffres indiqués dans le tableau n’ont pas pour but de calculer l’impôt exact, mais plutôt de montrer les consé­quences fiscales en général. Les chiffres de cet exemple de calcul sont appro­xi­matifs et peuvent varier considé­ra­blement en fonction du lieu de résidence. 

Fig. 1 : Revenu imposable avec et sans achat d’entreprise

Dans l’exemple ci-dessus, l’achat de l’entre­prise du cadre X à un prix préfé­rentiel de 500’000 CHF entraîne une augmen­tation de la charge fiscale privée d’environ 185’000 CHF, ce qui augmente le besoin de financement de Monsieur X de ce même montant. 

Un achat à un prix inférieur à la valeur vénale peut être intéressant malgré les consé­quences fiscales. Les aspects fiscaux doivent toutefois être pris en compte et prévus dans le concept de financement.

Marc Maurer, responsable de la succession d’entre­prise ZKB

Un achat à un prix inférieur à la valeur vénale peut être intéressant malgré ces consé­quences fiscales. Monsieur X peut ainsi acquérir une entre­prise d’une valeur de 1 million de CHF au prix d’environ 685 000 CHF : prix d’achat de 500 000 CHF et consé­quences fiscales de 185 000 CHF ; les charges sociales plus élevées dans l’entre­prise ont été négligées dans cet exemple simplifié.

Demander l’aide d’experts à un stade précoce est un facteur de réussite

Comme indiqué ci-dessus, les aspects fiscaux de la trans­mission d’une entre­prise ne doivent pas être négligés lors d’une succession interne et les consé­quences fiscales doivent être prises en compte et prévues dans le concept de financement. C’est pourquoi il vaut la peine de prendre contact avec un expert fiscal suffi­samment tôt pour discuter et évaluer les consé­quences fiscales de la transaction envisagée. L’obtention d’une décision contraignante auprès de l’admi­ni­stration fiscale par le biais d’un ruling fiscal permet d’éviter les surprises fiscales et, le cas échéant, de réduire les consé­quences fiscales. Cette plani­fi­cation fiscale, y compris l’obtention d’un éventuel ruling fiscal, prend toutefois du temps, ce qui doit absolument être pris en compte dans la plani­fi­cation de la succession. 

Conclusion

La succession d’entre­prise interne est une forme de succession d’entre­prise très appréciée, car elle présente des avantages importants tant pour l’acheteur que pour le vendeur. Afin de permettre un financement durable du prix d’achat, les vendeurs accordent souvent à leurs succes­seurs une réduction de prix sur la valeur de l’entre­prise. Cet avantage en nature peut avoir des consé­quences fiscales considé­rables pour le successeur et entraîner des charges sociales supplé­men­taires pour l’entre­prise, en parti­culier si les remises accordées sont importantes. En faisant appel à un expert à un stade précoce, il est possible d’iden­tifier ces pièges fiscaux, de les atténuer le cas échéant et d’en intégrer les consé­quences dans le concept de financement. Ainsi, plus rien ne s’oppose à la réussite de la trans­mission interne de l’entreprise.

En savoir plus sur le sujet

Vous trouverez des documents complé­men­taires sur notre plate­forme. Nous vous recom­mandons entre autres les articles suivants.

Dans le centre de téléchar­gement, nous mettons gratui­tement à votre dispo­sition divers documents et fiches de travail.

Crédit photo : Shutterstock 

[1] Source : Étude de succession 2022, Credit Suisse AG, septembre 2022

À PROPOS DE MARC MAURER

Marc Maurer est responsable de la succession d’entre­prise à la Banque cantonale de Zurich. Avec son équipe, il accom­pagne les entre­pre­neurs tout au long du processus de succession d’entre­prise et élabore pour les acheteurs des solutions de financement indivi­du­elles pour une succession de PME réussie. Paral­lè­lement, Marc Maurer est chargé de cours dans le domaine de la formation continue et, en tant que membre du conseil d’admi­ni­stration d’une grande fondation zurichoise, il connaît bien les sujets qui préoc­cupent les PME au quotidien.

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