Blog 32 : Pourquoi les entrepreneurs devraient régler leur succession à l’avance et à quoi il faut faire attention lors de la planification successorale.

Presque tout le monde pense qu’il est important de régler sa succession, mais peu de gens s’en préoc­cupent concrè­tement. Les résultats de la dernière étude sur les succes­sions sont à la fois paradoxaux et peu surprenants. Même les entre­pre­neurs repoussent souvent la plani­fi­cation succes­sorale. Cela peut avoir des consé­quences fatales pour l’entre­prise et l’héritier. 

Lorsqu’il est question d’héritage et de succession, les choses deviennent rapidement complexes. Les aspects émoti­onnels, finan­ciers et juridiques s’entre­mêlent. Les personnes qui souhaitent planifier leur succession passent généra­lement par un processus boule­versant. Qu’il s’agisse d’un parti­culier ou d’un entre­preneur qui possède peut-être même une entre­prise. Cette émotion et cette complexité sont proba­blement les princi­pales raisons pour lesquelles de nombreuses personnes n’abordent pas la plani­fi­cation succes­sorale. Ce n’est qu’avec l’âge que les gens commencent à se pencher sur la question, mais même là, ce n’est généra­lement qu’à la suite d’une impulsion extérieure (comme un décès dans l’entourage proche ou leur propre départ à la retraite) et ils ne le font dans un premier temps que par la pensée. Même dans ce cas, les mesures actives sont rarement prises et la plani­fi­cation concrète est encore repoussée. 

Les entre­pre­neurs repoussent également souvent la plani­fi­cation succes­sorale à plus tard, bien que leur situation de départ soit complexe — avec leur propre entre­prise, un processus de succession à venir et, la plupart du temps, des biens immobi­liers faisant partie de la masse succes­sorale. De plus, les réponses aux questions qui se posent dans le cadre de la succession d’entre­prise sont souvent étroi­tement liées à la manière dont l’entre­preneur envisage de régler sa succession. 

Comment la planification successorale influence la succession

Lorsqu’une entre­prise ou des biens immobi­liers sont en jeu, la plani­fi­cation succes­sorale devient encore plus complexe et le processus prend donc beaucoup de temps. Pour les entre­pre­neurs, s’occuper à temps de la succession signifie qu’il faut le faire suffi­samment tôt et assumer ainsi sa responsa­bilité, y compris celle de l’entre­prise. Dans la plupart des cas, la plani­fi­cation succes­sorale est en effet étroi­tement, voire indis­so­cia­blement, liée aux questions de succession d’entreprise. 

Les femmes entre­pre­neurs qui règlent leur succession ne font pas seulement un travail de fond important en vue de leur propre succession, elles créent également, grâce à une plani­fi­cation succes­sorale concrète, des condi­tions claires en cas de décès inattendu et s’assurent ainsi, entre autres, que les activités opéra­ti­on­nelles puissent se poursuivre. En même temps, ils sont déjà prêts à répondre à des questions importantes lorsque leur propre succession est en cours. 

Les entre­pre­neurs sont confrontés à des défis parti­cu­liers lorsqu’ils souhaitent régler leur succession. Une entre­prise ne peut pas être divisée comme le solde d’un compte bancaire.

Marc Maurer, spécia­liste de la succession d’entre­prise ZKB

Si un entre­preneur omet de planifier sa succession, cela peut même — dans le pire des cas — mettre en péril l’avenir de l’entre­prise. Par exemple, si un conflit familial éclate ou si l’argent hérité ne suffit pas à payer les frères et sœurs. 

Exemple 1 — Décès inattendu sans plani­fi­cation succes­sorale
Un couple d’entre­pre­neurs mariés a deux enfants : l’enfant 1 et l’enfant 2. Le mari est le patron d’une entre­prise familiale et décède de manière inattendue. Il laisse un actif succes­soral de 1,2 million de francs et l’entre­prise d’une valeur nette de 500 000 francs.
En l’absence de plani­fi­cation succes­sorale, la moitié des biens revient à l’épouse et l’autre moitié aux deux enfants, soit 300 000 CHF chacun. Si l’un des enfants souhaite reprendre l’entre­prise, il lui manque 200 000 CHF. En l’absence d’éco­nomies ou d’une solution de succession appro­priée, il n’est généra­lement pas possible de réunir cet argent. En cas de conflit au sein de la famille, cela pourrait, dans le pire des cas, signifier la fin de l’entreprise. 

Il s’agit d’un scénario pertinent, étant donné que plus de 40% des succes­sions de PME se font au sein de la famille. 

Le droit succes­soral joue un rôle considé­rable dans les solutions de succession intra­fa­mi­liales. Le prix d’achat et le financement d’une solution de succession peuvent être étroi­tement liés au règlement de la succession privée et l’influencer.

Marc Maurer, spécia­liste de la succession d’entre­prise ZKB

Lorsque l’entre­prise est transmise au sein de la famille, le droit succes­soral est essentiel pour la solution de succession. Le financement de la succession d’une PME peut être étroi­tement lié au règlement de la succession privée et l’influencer. 

Exemple 2 — Succession au sein de la famille avec prêt du vendeur
Un couple d’entre­pre­neurs mariés a deux enfants : l’enfant 1 et l’enfant 2. Le couple d’entre­pre­neurs dirige une entre­prise familiale et convient avec les deux enfants que l’enfant 1 reprendra l’entre­prise familiale au prix de 500’000 CHF. Il accorde à l’enfant 1 ce que l’on appelle un prêt vendeur, c’est-à-dire que l’enfant 1 ne doit pas payer le prix d’achat immédia­tement, mais peut le régler avec les bénéfices futurs de l’entre­prise.
Un pacte succes­soral stipule de manière contraignante que tous les membres de la famille acceptent le prix d’achat convenu comme valeur réelle et le prêt vendeur, qu’aucune donation n’y est liée et que l’enfant 1 est ainsi libéré de toute obligation de compen­sation lors d’un partage succes­soral ultérieur. Cela garantit également que la soi-disant “compen­sation de plus-value” pour une augmen­tation future de la valeur de l’entre­prise est exclue.
Le pacte succes­soral est signé par tous les membres de la famille et fait l’objet d’un acte authentique. 

Les entre­pre­neurs qui règlent proprement et à temps les points les plus importants de leur plani­fi­cation succes­sorale simpli­fient la transition, réduisent les conflits poten­tiels et ne compli­quent pas inutilement la vie des héritiers.

L’immobilier et les entreprises augmentent le potentiel de conflit

Lorsque des biens immobi­liers et des entre­prises font partie de la masse succes­sorale, non seulement la complexité de la plani­fi­cation succes­sorale augmente, mais aussi le potentiel de conflit. Chez les entre­pre­neurs, une grande partie du patri­moine est souvent liée à leur propre entre­prise. Outre le patri­moine, les proprié­taires d’entre­prise ont également investi beaucoup de temps et de cœur dans l’entre­prise. Il y a donc des émotions à plusieurs niveaux ainsi que des questions juridiques et fiscales complexes. Une entre­prise ne peut pas être transmise comme un livret d’épargne. Clarifier tous ces aspects et les organiser dans le cadre d’une plani­fi­cation succes­sorale est un processus qui dure souvent plusieurs années et qui s’appa­rente à un voyage émoti­onnel au cours duquel sont abordés des thèmes exigeants tels que le lâcher-prise, la valeur, la justice et l’équité. 

A quelle valeur un héritier doit-il recevoir quelque chose et qu’est-ce que cela signifie pour les autres héritiers ? Qui considère quoi comme juste et équitable — et pourquoi ? Quelle est la valeur d’une entre­prise et à quel prix doit-elle être vendue ? Comment la génération qui transmet l’entre­prise assure-t-elle sa subsi­stance — et comment la génération qui reprend l’entre­prise finance-t-elle son acquisition ?

Les femmes entre­pre­neurs souhaitent régler leur succession de leur vivant. Elles doivent donc s’occuper parti­cu­liè­rement tôt de la plani­fi­cation de leur succession — ce processus prend beaucoup de temps. 

Marc Maurer, spécia­liste de la succession d’entre­prise ZKB

L’étude sur les succes­sions indique que 90% des entre­pre­neurs inter­rogés sont d’accord pour dire que leurs enfants devraient hériter de la même somme et qu’ils sont tout aussi nombreux à vouloir éviter les conflits lors du règlement de la succession. Cependant, près de la moitié des héritiers prendraient des mesures juridiques s’ils estimaient que le règlement de la succession n’était pas équitable. 

Des condi­tions perçues comme justes et équitables sont donc également la clé de solutions réussies en matière de plani­fi­cation succes­sorale. Pour cela, il faut un processus perçu comme équitable et une prise de conscience du fait que la justice distri­butive peut être inter­prétée de diffé­rentes manières (mots clés : principes d’égalité, de perfor­mance et de besoin). Les membres de la famille ont des concep­tions diffé­rentes de la plani­fi­cation succes­sorale équitable. Il est donc important d’établir un dialogue et d’être trans­parent sur les attentes. 

Dans le cas des succes­sions intra­fa­mi­liales, les personnes impli­quées dans les deux systèmes “famille” et “entre­prise” jouent des rôles différents et changent de casquette en fonction de la situation : Est-ce que j’agis et parle en tant que mère, proprié­taire ou PDG ? En tant que père, VRP ou cédant ? En tant que fille, successeur potentiel ou profes­si­on­nelle confirmée ? Il est essentiel d’être conscient du rôle dans lequel vous apparaissez, parlez et agissez. Les motiva­tions et les objectifs varient en fonction de la casquette que l’on porte. Ne pas être conscient de son rôle est une source de conflits poten­tiels lorsque l’on interagit avec les autres. 

Droit successoral révisé — ce que vous devez savoir à ce sujet

Si vous ne réglez pas votre succession, vous êtes soumis à l’ordre succes­soral légal. Dans le cadre de la nouvelle loi sur les succes­sions, celle-ci est la même qu’au­pa­ravant. Toutefois, les testa­teurs ont désormais plus de liberté pour répartir leur héritage. Pour profiter de ces libertés, les testa­teurs doivent toutefois être actifs et régler leur succession au moyen d’un instrument approprié, par exemple un testament ou un pacte successoral. 

La pièce maîtresse de la révision du droit succes­soral au début de l’année 2023 est l’aug­men­tation de la liberté de dispo­sition grâce à une réduction des réserves hérédi­taires : les personnes ayant des descen­dants pourront désormais disposer librement de la moitié de leurs biens. Les testa­ments et pactes succes­soraux existants restent valables sans changement sous le nouveau droit succes­soral. Il est néanmoins conseillé de vérifier les dispo­si­tions qui y sont prises. En parti­culier, si des descen­dants ou des parents ont été désignés comme réser­vat­aires, il est recom­mandé de préciser dans un avenant au testament si la réserve doit être calculée selon l’ancien droit ou le nouveau droit, afin d’éviter toute question d’interprétation. 

Lorsqu’une famille n’est pas d’accord, la situation juridique actuelle complique considé­ra­blement la succession au sein de la famille. Dans le pire des cas, cela peut même conduire à une liqui­dation. Cette situation doit désormais changer. 

Marc Maurer, spécia­liste de la succession d’entre­prise ZKB

D’autres adapt­ations du droit succes­soral, prévues mais pas encore mises en œuvre, visent à faciliter la succession d’entre­prise au sein de la famille. Le Conseil fédéral a adopté un message à ce sujet en juin 2022. La réforme prévue doit contribuer à une plus grande stabilité, en parti­culier pour les PME suisses, et préserver les emplois. 

En l’état actuel de la légis­lation, les succes­sions intra­fa­mi­liales sont rendues impos­sibles si aucun accord à l’amiable n’est possible au sein de la famille. Il en résulte réguliè­rement que des entre­prises doivent être démem­brées ou, dans le pire des cas, liquidées, bien qu’elles soient viables. 

Le projet de loi prévoit des amélio­ra­tions substan­ti­elles de la situation actuelle, notamment

  • Même en l’absence de dispo­si­tions succes­so­rales du proprié­taire, les tribunaux pourront à l’avenir, à la demande d’un héritier et sous certaines condi­tions, attribuer l’ensemble de l’entre­prise. Cela devrait permettre d’éviter le morcel­lement ou la fermeture d’entreprises. 
  • Lorsque l’entre­prise est attribuée à un héritier, les héritiers réser­vat­aires doivent souvent être compensés. Désormais, les paiements compen­sa­toires prévus par le droit succes­soral aux cohéri­tiers doivent pouvoir être différés si cela entraîne des problèmes de liqui­dités. Cela permet d’éviter les problèmes de financement et d’assurer la pérennité de l’entreprise. 
  • Une autre modifi­cation importante concerne la valeur d’impu­tation d’une entre­prise. Celle-ci doit désormais pouvoir être fixée de manière contraignante au moment de l’attri­bution. Dans le passé, l’absence de cette règle a parfois conduit à des paiements compen­sa­toires élevés, à des questions de financement insolubles et, enfin, souvent à des disputes au sein de la famille. 

Ces dispo­si­tions prévues facilitent la reprise au sein de la famille et permettent une plus grande marge de manœuvre, mais ne résolvent pas automa­ti­quement tous les défis que posent les succes­sions d’entre­prises au sein de la famille.

Instruments de succession — ce que vous pouvez régler avec eux

Si l’on souhaite prendre des dispo­si­tions qui s’écartent de l’ordre succes­soral légal, on peut le faire, à condition de respecter les éventu­elles réserves hérédi­taires et certaines condi­tions de forme. La forme de loin la plus courante pour disposer de ses biens est le testament olographe. 

Les documents succes­soraux peuvent être conservés dans différents endroits. Si vous conservez les documents chez vous, vous courez le risque de les perdre ou que quelqu’un les consulte sans autori­sation. Un testament doit être conservé en lieu sûr, par exemple chez un notaire ou dans une banque. 

Testament : le testament dit olographe doit être rédigé de la main du testateur et exprimer clairement et sans équivoque sa libre volonté. Si un notaire est consulté, il s’agit d’un testament public. Le testament peut être révoqué ou modifié à tout moment.

Pacte succes­soral : contrai­rement au testament, le pacte succes­soral est un acte juridique bilatéral qui ne peut être modifié ou annulé que par le consen­tement mutuel de toutes les parties contrac­tantes. Le pacte succes­soral doit être établi en la forme authen­tique avec la parti­ci­pation de deux témoins. Le pacte succes­soral est un moyen très apprécié pour favoriser le conjoint survivant par rapport aux descen­dants ou pour régler la succession dans les entre­prises familiales.

Contrat de mariage : dans un contrat de mariage, les couples mariés peuvent régler leurs relations en matière de régime matri­monial. Ils peuvent déter­miner comment les biens seront répartis en cas de divorce ou de décès de l’un des parten­aires. Comme le pacte succes­soral, le contrat de mariage permet d’avan­tager le conjoint survivant par rapport aux descen­dants. Le contrat de mariage doit également faire l’objet d’un acte authen­tique.

Dispo­si­tions en cas de décès : les dispo­si­tions en cas de décès permettent de consigner par écrit les souhaits relatifs à sa propre mort et à son décès. Elle permet de régler des questions telles que l’inhu­mation, le repas de funérailles, le don d’organes ou la cérémonie funéraire. 

En savoir plus sur le sujet

Vous trouverez sur notre plate-forme des documents complé­men­taires. Nous vous recom­mandons entre autres les articles suivants. 

Dans le centre de téléchar­gement, nous mettons gratui­tement à votre dispo­sition divers documents et fiches de travail.

Crédit photo : Shutterstock 

Vers l’étude sur l’héritage | Édition 2023

L’étude suisse sur les succes­sions 2023 a examiné la manière dont la population suisse aborde l’héritage et la succession. Pour cette étude, la ZHAW School of Management and Law s’est penchée sur le thème de l’héritage et de la succession à la demande de la Banque cantonale de Zurich. L’objectif était de mettre en lumière les pratiques actuelles en matière d’héritage en Suisse et plus parti­cu­liè­rement dans le canton de Zurich. Les résultats fournissent des infor­ma­tions sur les motiva­tions qui poussent les testa­teurs à planifier leur succession et les héritiers à utiliser leur héritage. L’étude a notamment permis de dégager les résultats suivants : 

  • La grande majorité considère qu’il est important de régler la succession.
  • Pourtant, près de la moitié des personnes inter­rogées ne se sont pas encore préoc­cupées de la plani­fi­cation successorale.
  • La majorité des entre­pre­neurs repoussent également le règlement de la succession.
  • Protéger son conjoint ou son partenaire de vie est l’objectif principal de la plani­fi­cation successorale.
  • Les conflits sont la principale préoc­cu­pation des héritiers et des testateurs.

L’étude sur les succes­sions a été menée auprès de 1 017 personnes en Suisse aléma­nique, âgées de 40 ans ou plus, qui se considèrent comme de futurs héritiers ou des héritiers poten­tiels. Parmi les personnes inter­rogées, on compte 492 testa­teurs, 109 héritiers et 416 personnes qui se considèrent à la fois comme testa­teurs et comme héritiers. 

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Monika Waldburger

Monika Waldburger a grandi dans une entreprise familiale, connaît le monde des PME et sait à quel point un processus de succession peut être complexe et varié. Elle est maître coach et experte en communication. En tant que sparring partner, elle accompagne et conseille les personnes, les équipes et les PME dans les processus de prise de conscience, de changement et de transformation.

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